Créer son entreprise, c’est facile, mais combien facturer au final ?

Les textes officiels sont tellements denses et truffés d’exceptions que j’ai abandonné l’idée d’un article exhaustif sur le sujet mais on va déjà voir les erreurs de tarification à éviter.

Je me suis concentré sur ce que je connaissais, à savoir la prestation de services, pour ne pas faire trop long. Cela n’inclue donc pas la vente de marchandises.

La France AE et son CA

L’auto-entreprise (AE) a le vent en poupe ces dernières années.

On peut démarrer une activité avec le minimum de contraintes administratives et bénéficier d’un cadre fiscal simplifié tout en restant protégé : différentes aides sociales, couverture maladie, incitations financières comme l’ARE, ARCE, l’ACRE, ou encore la NACRE.

Attention, il y a un plafond de CA (Chiffre d’Affaire) qui peut basculer l’entreprise automatiquement dans un régime beaucoup plus lourd si on le dépasse plusieurs fois (ex: deux années consécutives).

Pour autant, on peut très bien commencer en auto-entreprise et finir grand. Les belles histoires ne manquent pas en la matière, d’autant que, suivant l’activité et le secteur, on n’aura pas à miser sa maison dès le départ.

Il existe même un statut de micro-entreprise destiné aux activités exercées en solo et qui est rattaché directement aux personnes. Dans ce cas, la société n’aura pas de personnalité juridique.

En revanche, c’est limité encore une fois en termes de CA, notamment pour les prestations de services même si le palier de 77 K€ à 23 % de cotisations sociales offre une petite marge de progression.

L’information ne manque pas en ligne sur le sujet, notamment sur les sites officiels.

Attention aux pièges “jeune entrepreneur”

Même si on ne cotise que sur le CA généré, le statut d’AE vient avec son lot de pièges :

  • l’oubli de la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises)
  • la responsabilité illimitée puisque rattachée directement au patrimoine personnel*
  • la confusion autour du versement libératoire qui n’est pas toujours une bonne option
  • l’incompatibilité de ce statut avec les activités artistiques (régime AGESSA dans ce cas) ou encore le trading et le conseil en investissement qui sont interdits en tant qu’AE
  • l’absence d’assurance chômage en cas de cessation d’activité ou d’impossibilité de l’exercer
  • la sortie de régime en cas de dépassements répétés
  • le mauvais calcul du tarif, notamment dans la prestation de services

* depuis 2022, le patrimoine personnel est protégé automatiquement sauf en cas de fraude

Sous-tarifer c’est moche

La tarification est une des parties les plus intéressantes mais, étrangement, c’est l’une des moins détaillées en ligne.

Le nerf de la guerre en somme.

La tentation c’est de casser les prix. C’est humain. Ça nous est tous passé par la tête au début.

Et oui, quoi de plus simple pour se démarquer ? Tu arrives sur un marché très concurrentiel, tu rafles la mise, non ?

Même si une stratégie très risquée peut parfois payer, c’est bien souvent nefaste à moyen terme et c’est surtout un très mauvais calcul personnel.

Il faut respecter certaines étapes avant de se lancer :

  • déterminer le temps facturable
  • étudier les prix du marché
  • ajuster son tarif en fonction de la valeur qu’on pense produire sur ce marché
  • prendre en compte absolument tous les frais, y compris de déplacement et le matériel à fournir
  • bien prévoir une marge de sécurité pour les périodes creuses

Mal calculer ce tarif voire sous-tarifer c’est non seulement s’exposer à des problèmes financiers mais cela pourrait aussi ternir l’image de marque.

Autrement dit, ça fait pas sérieux et cela peut attirer des “deals” (projets) du même acabit.

Enfin, si tout le monde se met à dégommer les prix, le marché va se dévaloriser rapidement.

Comment bien calculer alors ?

Tout ce qui concerne la prospection de nouveaux clients, la gestion interne, ou encore l’auto-formation ne sera pas facturable.

Autrement dit, sur le nombre total d’heures dédiées à l’activité en question, une bonne partie ne sera pas facturée aux clients.

On ne peut donc pas raisonner dans ces termes :

les prix varient entre 500 et 1000 € / jour sur le marché, je vais la faire à 300 €

À l’inverse et avec la bonne approche, on peut se rapprocher d’un tarif réaliste.

Il suffit d’enlever les heures non facturables sur ce qu’on pense travailler.

Internet indique qu’environ 40 % du temps de travail d’une AE n’est pas facturable. Si on part sur 200 heures, 80 heures ne seront pas facturables.

On prendra donc 120 heures pour déterminer le tarif horaire, puis le tarif journalier (le fameux TJM).

Avec un joli petit CA de 5000 € / mois ça donnerait à peu près 42 € de l’heure et la journée de 8 h à 336 €.

C’est pas grave si tu vas pas jusqu’au 5K par mois, d’ailleurs ça dépend de plein de facteurs comme le secteur, l’activité. Ça illustre le propos ici.

Quid du positionnement

Avoir une expertise et savoir la valoriser augmente le tarif.

Une solide expérience et des qualités reconnues sont autant d’atouts à présenter.

À cela s’ajoutent les fameux soft skills (compétences comportementales, transversales, cognitives, personnelles), la qualité d’écoute et la bonne communication.

Cela explique pourquoi le tarif horaire ou journalier pourra doubler voire tripler avec certains professionnels.

Les anglo-saxons parlent souvent de “consultant junior vs. senior” mais c’est transposable à beaucoup de secteurs et de métiers.

En français, on parle aussi de “positionnement haut de gamme”.

Quand on débute, il est difficile d’adopter un tel positionnement, mais rien n’empêche d’augmenter ses tarifs après quelques années, à condition de pouvoir justifier une telle évolution par un parcours et des réalisations.

N.B.: le positionnement dépend aussi de la clientèle ciblée (grand public, B-to-B) et du secteur d’activité

Activité principale vs. complément

L’AE peut n’être qu’un complément d’activité. On peut être salarié tout en ayant ce statut.

Dans ce cas, le temps consacré ne sera pas le même par définition.

Quoiqu’il arrive, appliquer le bon tarif aidera à développer la société et peut permettre d’envisager une activité à temps plein.

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